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samedi 11 juillet 2015

Chapitre 8 suite et fin : Le pair à pair (P2P)

La consommation évolue, nous passons du « je possède » à « j’utilise ». La première raison de ce transfert reste la situation financière de beaucoup de consommateurs. Il est nécessaire de faire des économies, de sélectionner son mode consommation. Toutefois celle évolution ne peut résulter d’un simple constat financier. D’autres motivations plus nobles peuvent être remarquées : retrouver du lien social, favoriser le travail local ou encore donner un sens à sa vie de consommateur. Il existe une prise de conscience des enjeux environnementaux qui traduit un changement de paradigme économique qui pourrait être symbolisé par le pair à pair.
Les économistes disent P2P pour peer to peer pour parler de cette alternative au capitalisme. C’est un modèle de contribution mutuelle qui permet aux citoyens de créer ensemble de la valeur sans passer par des intermédiaires capitalistiques. Dans le P2P, le plus petit peut être plus fort que le plus grand. Dans l’immatériel le partage est facile car le coût marginal est proche de zéro, il en est tout autrement dans l’économie physique qui nécessite de régénérer la valeur pour l’achat de machines, de matières premières,… L’explosion d’Internet dans les échanges économiques, la montée en puissance des communs et de l’économie sociale et solidaire et ce bouillonnement dans le monde qui rappelle pour certains l’euphorie soixante-huitarde vont créer les conditions de ce système émancipatoire du pair à pair. Si les multinationales ne sont plus les seules à détenir et contrôler l’information et les connaissances, le capitalisme capte encore une partie du pair à pair. Cette contradiction provient du fait qu’une partie de la valeur retourne dans le circuit capitaliste par l’insuffisance d’un écosystème indépendant. L’économie sociale et solidaire doit prendre sa part de responsabilité en cette période de transition. Il faut trouver une convergence entre le modèle ouvert des connaissances et le modèle coopératif dans la production de biens matériels en créant des coopératives qui produisent comme toute entreprise sur un marché mais qui partagent leurs connaissances. Des initiatives se multiplient et certaines existent depuis des années, il est temps de créer des écosystèmes qui organisent cette alternative au capitalisme, seul Internet en a la capacité.
Le système économique de demain ne sera pas uniforme, tout ne peut être horizontal et collaboratif. Un modèle unique serait la meilleure façon de nous entraîner vers un certain totalitarisme. Les trois acteurs que sont l’Etat, le marché et les citoyens vont devoir cohabiter et imaginer les conditions d’un développement soutenable. Il faut un Etat partenaire qui facilite l’autonomie sociale et individuelle, qui crée les infrastructures civiques, sociales et technologiques afin de faciliter une autre organisation de la Cité. Il faut un marché qui censure cette logique court-termiste et destructeur pour des perspectives de prise en compte des générations à venir. L’esprit d’entreprise est une belle promesse lorsqu’elle est humaine et écologique. Enfin, il faut des citoyens qui prennent conscience de leur capacité de contribution aux biens communs et qui créent des forces sociales et politiques nouvelles. Le modèle économique que nous pouvons voir émerger rapidement se formalisera autour de communautés de contributeurs, d’une coalition entrepreneuriale capitaliste et solidaire et de fondations qui facilitent la coopération par le financement participatif, le tout sous l’autorité morale de pouvoirs publics locaux, nationaux et internationaux.
Nous devons être pragmatiques et espérer une prise de conscience rapide et exponentielle des citoyens. Le pair à pair, c’est la production du commun. Si nous ne voulons pas repasser par la case chaos, nous ne pourrons pas rester indéfiniment sur nos acquis et les logiques consuméristes qui nous gouvernent.

« Même si les contours de cette nouvelle société sont encore flous, on voit bien qu’une grande partie de nos pratiques et de nos attentes vont en être – et sont déjà – profondément bouleversées. »
Jean Staune (« Les clés du Futur», p.303)