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mercredi 29 avril 2015

Chapitre 6 suite : Les communaux



Les communaux ou en anglais « collaborative commons » ou biens communs ou communs est une forme de gouvernance qui a existé aux époques féodale et médiévale. Ils organisaient la vie économique. Nous assistons au renouveau de cette pratique de gouvernance qui implique la proximité, et une relocalisation des décisions par des citoyens émancipés. Les communs sont des ressources matérielles (eau, terre,...) ou immatérielles (licences libres, codes génétiques, Wikipedia) qu’il s’agit de préserver ou de développer. Ils se définissent en fonction de leur partage, de leur accès et de leur circulation. Un bien peut devenir un commun puis ne plus l’être à l’avenir, il peut aussi être réservé à une communauté et ne pas être en accès totalement libre pour tous. Il n’y a pas forcément d’idée d’intérêt général. Un commun n’est jamais un bien propriétaire, il ne peut être utilisé n’importe comment et détruit. On en a simplement l’usage selon des règles établies. Il serait temps que l’Union européenne protège ces biens communs par une législation spécifique.
Les communaux doivent prendre le pas sur les enclosures, et sortir de ce particularisme dans lequel nous vivons depuis plusieurs siècles et qui ne sont rien dans l’histoire de l’humanité. Le point central de cette nouvelle théorie est bien la notion d’abondance car sans elle la lutte pour l’appropriation des biens rares nécessitent une gestion capitaliste ou étatique et non pas autogérée. Le capitalisme a besoin d’un marché organisé de manière pyramidale mais le marché « libre » n’a pas besoin du capitalisme. Au Moyen-Age, il existait des marchés dit libres pour échanger les produits fabriqués par les artisans ou cultivés par les paysans. La propriété et le travail étaient étroitement liés. Plus tard, avec l’arrivée du capitalisme il a fallu séparer le capital du travail et imposer les intermédiaires. Le salariat était né, ainsi que l’exploitation par l’homme et pour l’homme. Aujourd’hui le capitalisme est menacé par sa réussite et les inégalités qu’il génère. Les monopoles des XIXème et XXème siècles sont en danger par une déstabilisation provoquée par l’Internet des objets et l’élimination des intermédiaires due aux économies d’échelle latérale. Nous allons muter très progressivement d’une organisation verticale avec des entreprises capitalistes à des réseaux à intégration latérale avec des communaux collaboratifs.
Une organisation fondée sur l’intérêt de la communauté plutôt que sur les seules satisfactions des désirs individuels. Cette nouvelle organisation de la vie économique  proviendra d’une réduction des écarts de revenus, d’une démocratisation de l’économie mondiale et de la création d’une société technologique durable. Nous devrions assister à l’éclipse du capitalisme, à sa spécialisation, mais pas encore sa disparition. Pendant encore plusieurs décennies, il y aura concurrence entre les deux paradigmes. Dans un proche avenir les capitalistes et les communaux cohabiteront, les premiers représentant l’argent et le pouvoir économique, les seconds les citoyens et les Cités. Une cohabitation qui ne pourra se pérenniser, il faudra alors que l’un ou l’autre démontre sa prédominance. Alors l’accès illimité et gratuit aux biens et services partagés sur des réseaux auto organisés ayant eux-mêmes une gouvernance démocratique et participative fera la différence.
Personne ne peut contester l’accès libre des biens publics, il faut simplement se mettre d’accord sur la définition. Le marché a déjà démontré à maintes reprises son incapacité à gérer des biens publics. Qui mieux que ceux qui y vivent peuvent les gérer ? Le citoyen participatif est responsable de ce qui le concerne, bien davantage que le fonctionnaire ou le capitaliste. L’Homme n’est pas un être individualiste aux visées exclusivement utilitaristes, il est avant tout un être social et ce n’est pas deux siècles de capitalisme qui y mettra fin. Les responsables politiques et l’avant-garde du mouvement doivent mettre les communiers, acteurs des communaux, dans les conditions optimales. La nouvelle génération de citoyens communiers va privilégier l’accès aux produits ou aux services à la propriété.
Internet est la nouvelle place publique ouverte à tous et doit être considéré comme faisant partie des communaux. La neutralité du réseau est indispensable pour garantir des communaux des communications ouverts et universels. Au-delà du fait que l’accession à Internet ne serait plus égalitaire, et serait fonction d’un critère financier, cette situation bloquerait le développement de nouvelles applications et de nouveaux services pour chaque internaute. Il faut refuser des mécanismes discriminatoires, et si les citoyens doivent se mobiliser, seul l’Etat peut faire valoir son veto. Nous sommes à un moment clé de cette lutte entre les communiers et les multinationales capitalistes. Google, Facebook, Twitter exploitent les communaux à des fins commerciales, tandis que Wikipedia et Linux restent dans la philosophie initiale fidèle à la gouvernance communaliste. Les nouveaux poids lourds de l’Internet sont-ils des dangers pour une accession libre à Internet ? Certainement si leurs positions devenaient monopolistiques, les Etats et les organisations internationales devraient alors trouver des parades avant qu’il ne soit trop tard. Par exemple, il faudrait considérer que le moteur de recherche de Google est devenu un communal et que son activité soit transformée en société d’utilité publique mondiale.
Dans son dernier livre Jeremy Rifkin développe l’idée que l’Internet des objets, autour de la matrice énergie consommation, doit être géré de manière communaliste car cette nouvelle révolution « est lubrifiée plus par le capital social que par le capital financier, se déploie latéralement et s’organise sur un mode distribué et collaboratif » (« La nouvelle société du coût marginal zéro » p.288). Ce modèle est très différent de ceux portés par les Ière et IIème révolutions qui étaient verticaux et s’appuyaient sur des entreprises de plus en plus centralisées et des marchés toujours plus consuméristes.