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lundi 6 avril 2015

Chapitre 5 suite et fin : Le revenu de base


Le journal en ligne « L’inconditionnel », journal sur le revenu de base (www.linconditionnel.info) donne la définition suivante : « Revenu de base inconditionnel, revenu universel, de citoyenneté, d’existence, de dignité, allocation universelle… Quel que soit le nom qu’on lui donne, l’idée de verser à tous un revenu déconnecté de l’emploi, de la naissance à la mort, fait son chemin. En garantissant à chacun les moyens de son existence, le revenu de base permettrait de lier plus harmonieusement solidarité, justice et liberté. » Cette définition ne devrait plus porter à débat. Il est universel, individuel et inconditionnel.

Le plus grand service que l’on pourrait rendre à cette disposition révolutionnaire est de ne pas se précipiter et de la proposer au bon moment. Le faire aujourd’hui serait la meilleure façon de l’enterrer pour de longues années. Le revenu de base est un élément fondateur d’une société collaborative à venir. Il ne peut être une tension entre ceux qui travaillent en gagnant modestement leur vie et ceux qui sont à la recherche d’une activité. Le revenu d’existence n’est pas une prestation sociale nouvelle, il n’a aucun lien avec l’assistanat. Il faut d’abord éliminer les freins psychologiques. Nous sommes davantage face à des questions de pédagogie et d’application. C’est une mesure avant-gardiste difficile à promouvoir dans une société productiviste, de compétition où le travail et sa valorisation financière sont les éléments marqueurs. C’est une dotation inconditionnelle de revenu, c’est-à-dire qu’elle est destinée à tous les adultes. Elle doit permettre la suppression de la quasi totalité des allocations. Il n’est pas question de charité ou d’assistance comme cela existe aujourd’hui avec le RMI (revenu minimum d’insertion créé en 1984) ou RSA (revenu de solidarité active créé en 2008). Il n’est pas question d’acheter la paix sociale. Le revenu de base est un élément d’égalité et un plus en terme d’harmonie sociale. Ce revenu de base remplacerait tous les revenus non productifs (indemnités de chômage, retraites, RMI, allocations familiales, bourses d’étude, crédit d’impôt,…).
Dès 1516, Thomas More dans son livre « L’Utopie » imagine un revenu pour tous. Au XIXème siècle, Charles Fourier et les phalanstères défendent l’idée que l’Homme a droit à un « minimum de subsistances abondantes » pour avoir violé ses droits fondamentaux de liberté de chasser, pêcher… La providence a mis à disposition des ressources naturelles qui appartiennent à tous pour subvenir à leurs besoins. Fourier appelle cela « un dividende territorial ». Dès 1930, Keynes prédisait qu’un siècle plus tard, on ne travaillerait plus que quinze heures par semaine et qu’il faudrait imaginer un revenu complémentaire. A la fin du XXème siècle, Robert Theobald a proposé de casser le lien entre revenu et travail en créant un revenu indépendant de la fonction dans l’économie. Chaque individu a droit à une part de la richesse mondiale quelque soit ses compétences, son expertise et sa force de travail en donnant naissance à un revenu garanti. La liste des auteurs sur ce sujet est déjà longue, la véritable question est sur l’opportunité de sa mise en application. Quand ? et comment le faire accepter, en particulier par ceux qui pourraient être les premiers bénéficiaires et qui pourraient en être les premiers détracteurs ? Il ne doit pas être perçu comme une remise en cause du droit social.
Il est temps de reconsidérer la sécurité économique face aux défis du développement technologique et de la mondialisation. Les machines ou robots qui vont remplacer les travailleurs font partie d’un héritage collectif et non un outil privé. Aujourd’hui, l’idée de revenus et d’enrichissement sont liés à notre travail, la richesse cela se mérite !!! Et pourtant seulement 41% du revenu provient du travail rémunéré, les 59% restant sont des revenus de transfert non lié au travail. Est-il déjà d’actualité de découpler l’emploi du revenu ? La réduction du temps de travail va obligatoirement entrainé ce découplage sans quoi nous allons assister à une révolte populaire, une jacquerie comme l’histoire n’en a jamais connue. Avec la disparition de l'emploi et des revenus s’y attachant, ce sont les propriétaires et les classes supérieures qui vont conserver leur pouvoir si aucune mesure de rétrocession n’est engagée. Nous ne devons jamais manquer de rappeler que tous les Hommes sont égaux en droit.
Naturellement que ce revenu de base participe à une profonde mutation de la société, d’une société productiviste à une société d’abondance, et qu’il nécessite de revisiter l’ensemble de nos politiques sociales, en particulier en matière de financement.
Le revenu de base est une remise en cause intégrale de notre statut de producteur consommateur. La transformation des modes de travail, la fin de l’employabilité, le développement de l’artisanat numérique vont engendrer de nouvelles approches économiques. Ce revenu d’existence redonne au citoyen un choix de vie plus libre quant aux modes de production. Ce n’est pas un système qui élimine le travail mais au contraire qui le régénère et favorise l’expression de toutes les formes de travail. Le développement de biens communs, librement partagés par une communauté d’individus, va être stimulé par cette indépendance financière. La préoccupation quotidienne de subvenir à ses besoins de base ne sera plus une réalité pour nos enfants. Ils pourront développer leur créativité sans contrainte matérielle. Notre contribution à la société sera alors dénuer d’enjeux de pouvoir et l’altruisme redeviendra un principe fondateur de la communauté humaine. Ce revenu universel sera alors la sécurité sociale de cette fin de siècle et pourra être mis en place quelque soit le niveau économique du territoire. Pour Eric Dacheux et Daniel Goujon (« Allocation universelle et économique : une alliance au nom de la démocratie » - Mouvements, 2013/1 n°93), il n’y a « pas de société démocratique sans participation politique, et pas de participation politique sans un minimum assurant la subsistance de l’individu ». C’est l’outil démocratique indispensable pour assurer la mutation technologique à laquelle nous assistons. Ce défi est celui de la génération à venir pour sauver l’espèce humaine. Une raison supplémentaire pour imaginer des solutions qui dépassent la notion d’ici et maintenant chère à nos responsables politiques qui nous gouvernent.

« L’emploi est mort. Vive le travail. »
Bernard Stiegler