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lundi 30 mars 2015

Chapitre 5 suite : Le temps de travail


Arnaud Viviant, de la revue des Inrockuptibles, écrivit en 1996 à Michel Rocard au sujet d’un livre de Jeremy Rifkin : « Combien de temps encore, à votre avis, nous faudra-t-il subir un discours officiel obsolète, évoquant la baisse du chômage quand c’est désormais de baisse du travail qu’il faudrait parler ?" Bientôt 20 ans et nous ne n’en sommes pas encore sortis de ces discours lénifiants de la part de nos élites politiques et économiques.
De 80 heures, on est passé à 60 heures, 40 heures et … tout cela grâce à l’amélioration de la productivité. Or, ces dix dernières années la productivité n’a jamais autant progressé et le temps de travail n’a plus diminué et même à augmenter pour faire profiter les actionnaires et non plus les salariés. Entre 1970 et 2008 (d’après l’OCDE), la population active en France a augmenté de 33,4% et les heures travaillées n’ont diminué que de 6,6%, un écart qui explique en partie le chômage de masse que nous connaissons. Aujourd’hui, la réduction du temps de travail est un sujet tabou en France, et ce depuis les lois Aubry. Pourtant 40% des salariés n’ont jamais eu accès aux 35 heures, et d’après l’INSEE 350 000 emplois ont été créés directement suite à cette loi.
Il n’y a jamais eu de fatalité contre le chômage et la précarité, il n’y a pas de raison que cela soit aujourd’hui. Il suffit d’adapter la société afin qu’il y ait du travail, et non plus obligatoirement de l’emploi, pour tout le monde. Si la baisse du temps de travail est une possibilité qu’il ne faut pas écarter, elle ne peut pas être la seule et surtout pas de façon autoritaire comme cela fut le cas avec les 35 heures. Il va falloir être plus intelligent dans le discours, plus fin dans la technique. Un personnel soignant n’a pas les mêmes obligations qu’un plombier ou un responsable de chantier dans le BTP. Cette affirmation me paraît tellement évidente que l’on peut se poser la question sur la pertinence de revenir sur ce sujet. Avec moins d’idéologie et plus de pragmatisme on aurait déjà trouvé des solutions concernant le temps de travail sans lien avec l’évolution de l’employabilité des actifs. Il est temps d’appréhender les transformations du travail à l’heure du nouvel âge industriel dont la révolution numérique est le moteur. Il faut défendre de nouveau les droits sociaux associés à la mobilité  et à la flexibilité de l’emploi.
Nous sommes tous conscients, ou nous devrions l’être, que de moins en moins d’actifs travailleront dans le secteur marchand, il leur faudra bien trouver une occupation … rémunérée sous une forme ou une autre. Et pourtant les tenants d’un capitalisme qui s’accrochent à leurs privilèges soutiennent la faisabilité d’un retour au plein emploi. Ce mythe a pour mission de détricoter notre modèle social. Sans plein emploi, l’assurance chômage ou tout autre système comme le revenu de base (ou universel) deviennent incontournables.

La réduction du temps de travail ne peut être examiné sans avoir à l’esprit le monde sans emploi qui se profile devant nous. Ce n’est qu’une solution intermédiaire qui doit être étudiée de manière très différente que la réduction des années 90. Ce n’est pas une fin en soi, elle doit limiter l’accroissement permanent de la productivité et inciter les citoyens à investir du temps dans d’autres activités professionnelles, culturelles, associatives ou familiales.