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mercredi 25 février 2015

Chapitre 3 suite et fin : Quel nouveau contrat social ?


La société de consommation montre ses limites et nous entraîne vers des situations sociales difficilement gérables en raison de populations abandonnées de plus en plus nombreuses. Qu’ont-elles à perdre si elles ne peuvent bénéficier des « bienfaits » consuméristes ? En particulier les jeunes qui ne voient pas ce que l’avenir peut leur apporter en dehors du chômage ou des contrats aidés. Nous avons des pays riches avec des populations de plus en plus pauvres ce qui entraîne une crise de confiance de la part du plus grand nombre qui a le sentiment que cette richesse n’est plus pour eux ou pour leurs enfants.
Nous allons vivre dans un monde où la vie humaine n’a plus de valeur pour beaucoup de délaissés, donc un monde de plus en plus dangereux. Pas de travail, pas de pouvoir d’achat, pas de raison d’espérer dignement… la violence reste alors le seul moyen pour exister, posséder, être reconnu... Et pendant ce temps là, les classes privilégiées vont se protéger, s’enfermer dans des zones réservées. Nous pourrions voir apparaître des îlots de prospérité entourés de zones de non droit. Ce scénario là ne doit pas voir le jour.
Il est temps de proposer une vision renouvelée du pacte social et de la création de valeur. Les responsables politiques doivent repenser l’organisation de nos sociétés qui étaient jusqu’à présent organisées autour du marché et de l’Etat-Nation. Aujourd’hui et surtout demain, il va falloir associer le tiers secteur, l’économie collaborative. Ce n’est pas simplement un acteur supplémentaire qui accepterait les règles établies, mais c’est surtout mettre fin au dualisme Etat-marché. Définir une nouvelle théorie et un nouvel ordre peut nous amener à trouver un nouvel équilibre. L’Etat-Nation va perdre de son autorité, il va devoir repenser ses formes d’intervention. En ce début de XXIème siècle, ce sont encore et toujours les entreprises internationales qui font la pluie et le beau temps économique. Elles sont bien plus puissantes que beaucoup de pays. Le commerce international se moque de ces Etats ankylosés par le principe de providence. Quel contrat social ? Qu’allons-nous faire de tous ces talents sans emploi ? Le capitalisme et le socialisme sont-ils sur le point de devenir des théories du passé ?
Avant de changer le modèle économique, il faut en créer les conditions démocratiques. Le « vivre ensemble » nécessite que les responsables politiques proposent des alternatives, construisent dans la durée et rendent compte de leurs résultats. Le microcosme politique doit nous apporter la preuve de sa capacité à réformer, à rendre plus juste et à transmettre de l’espoir. La démocratie participative est le meilleur moyen de renouveler le dialogue entre les citoyens, la classe politique et les experts (syndicats, fédérations de parents d’élèves, media, universitaires…) à travers la consultation des citoyens et de leurs représentants et la planification (concept oublié qu’il faut actualiser et ré-initier au plus vite et à tous les étages d’une société réellement démocratique). Le capitalisme est incompatible avec un comportement social qui implique le partage, ou la coopération. L’économie collaborative peut rejoindre et dépasser une économie capitaliste en pleine dérive. Il représente déjà une économie parallèle d’envergure (coopératives, mutuelles, associations). Selon une étude PwC parue fin novembre 2014, le marché de l'économie du partage (la « sharing economy ») pourrait représenter 335 milliards de dollars (268,5 milliards d'euros) d'ici à 2025, contre 12 milliards d'euros en 2014. Cette alternative collaborative a été imaginée depuis longtemps. Même Alexis de Tocqueville s’y était intéressé.
Nous connaissons la fin, mais le parcours pour nous y amener est encore flou. La société va devoir revoir ses fondamentaux sur le travail, soit le temps libre sera imposé par le chômage ou le temps partiel, soit les fruits de la productivité seront équitablement partagés par la réduction continue du temps de travail et le temps libre sera alors vécu comme une conquête sociale et libératrice. D’un côté nous aurons de l’agitation sociale avec une minorité qui s’accrochera à ses privilèges jusqu’à la violence, et de l’autre une concorde fraternelle avec de nouveaux liens sociaux et une démocratie participative opérante.
Notre société capitaliste considère que la production est au centre de la fabrique du lien social, plus d’ailleurs que la question de la consommation. Or, l’objectif de la société devrait être de satisfaire les besoins humains et non pas de maximiser les productions. Associer des consommateurs soucieux de la qualité et des producteurs désireux de retrouver du sens à leur travail serait la base d’une cause commune. La classe politique se retrouve devant une double problématique. A court terme, elle doit trouver des solutions pour occuper les actifs et financer la société de la connaissance qui se met en place, et à long terme, concevoir un nouveau modèle de société où le profit ne sera plus au centre du système économique.
Les échéances sont difficiles à prévoir, mais la trajectoire vers un avenir automatisé et sans emploi pour les humains est irrévocable. Ce sont aux responsables politiques du monde de réfléchir aux différentes étapes qui soient les moins douloureuses et les plus sûres pour nous faire arriver à bon port, c’est-à-dire dans une société pacifiée, libre et joyeuse. Il faut arrêter de se renvoyer les responsabilités de la situation, nous sommes tous engagés dans une même aventure, les très riches, les classes moyennes et les plus pauvres. Peut-être qu’hier les mots Socialisme, Libéralisme, Capitalisme voulaient signifier un idéal dans un monde qui découvrait l’économie de marché. Je suis aujourd’hui persuadé qu’ils se retrouveront très vite dans les livres d’histoire lus sur des visionneuses numériques d’un monde émergent. Je ne sais pas quels seront les qualificatifs que nous utiliserons pour dessiner ce monde mais ils seront différents et seront significatifs d’un monde plus humain ou plus totalitaire, d’un monde laïque ou d'un monde dominé par le fait religieux, d’un monde égoïste ou collaboratif. Passerons-nous par le chaos ou serons-nous capables collectivement d’élaborer un nouveau contrat social ?

« Libérer l’homme de la nature sauvage a pris des millénaires ; libérer l’homme de l’économie sera la tâche d’une génération, la nôtre. »
Jean-Jacques Servan-Schreiber et Michel Albert « Ciel et Terre »