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jeudi 22 janvier 2015

Chapitre 1 suite : L'Etat Providence remis en cause



Les « Etats Nations » ont donc démissionné, leur champ d’intervention et de régulation est de moins en moins pertinent et efficace dans les domaines économiques et sociaux. C’est par conséquent la fin programmée de l’Etat Providence qui avait pour ambition de redistribuer les richesses et de prendre en charge les risques sociaux. Certains prendront comme prétexte son échec : près de 9 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, l'Allemagne quant à elle est à 12,5 millions ! Ils n’auront pas l’honnêteté de reconnaître que cet échec provient d’une économie capitaliste très gravement malade qui ne se préoccupe pas des délaissés. Les attaques incessantes des gouvernements pour réduire les acquis sociaux provoquent d’une part un ras-le-bol de ceux qui travaillent durement, et d’autre part un sentiment d’injustice pour ceux qui subissent cette situation de rejet. L’ensemble du problème ne peut à terme que provoquer des tensions entre les deux catégories d’actifs en oubliant une nouvelle fois les responsables. La « crise » provoquée par ces derniers marque un tournant dans le sentiment de solidarité et de progrès continu né après le Seconde Guerre Mondiale.
Le modèle français ne fait plus recette car nous avons des dépenses publiques élevées, de l’ordre de 56% du PIB. Toutefois, les dépenses réelles de fonctionnement de l’Etat sont de 20%, et en incluant les charges des intérêts et les investissements, on atteint 25% du PIB. Toutes les autres « dépenses » ne sont que des transferts d’une partie de la population à une autre. L’Etat ne consomme donc pas plus de la moitié du PIB, il est juste redistributeur  comme dans tout Etat Providence. Il est par conséquent injuste de comparer nos dépenses publiques avec celles des Etats où les assurances sociales sont privées.
Depuis la fin des années 70, et la stabilité des marchés, les inégalités recommencent à grandir après une période de réduction due aux guerres et aux boums économiques d’après-guerre. Le différentiel entre les revenus des salariés et des patrons français était de 1 à 40 dans les années 20, aujourd’hui il peut dépasser les 1 à 350. La rémunération des plus grands dirigeants d’entreprise est faite pour plus de moitié d’éléments variables liés non plus à l’activité de l’entreprise mais à la valeur boursière. Allons-nous assister dans quelques décennies à un monde dominé par quelques traders, patrons d’entreprises de l’Internet, dirigeants de pays du Golf ou par la Banque de Chine elle-même ? La logique de détention des capitaux peut nous amener à une situation ubuesque. En ce début du XXIème siècle, nous nous retrouvons dans la même situation d’inégalité qu’au milieu de la révolution industrielle du XIXème. Comment croire à la capacité d’autorégulation de ce phénomène ? La répartition des richesses est plus qu’injuste et ne peut être que source de conflits majeurs. Cette ère de haute technologie, dans un monde capitaliste tel que nous le connaissons, rendra la distribution des revenus encore plus inégalitaire. Dans les prochaines années le gâteau va continuer à grossir mais il sera de plus en plus mal partagé. L’innovation va accentuer les écarts de salaires en trois grandes catégories : les métiers très qualifiés avec des profils recherchés et donc très bien payés, les métiers sans qualification dont les salaires vont encore baisser, et les métiers moyennement qualifiés (logistique, postes administratifs…) qui seront progressivement remplacés par des machines. Il est nécessaire de remettre en cause le fait qu’une petite minorité de profiteurs  ait accès au « capital informatique » et qu’une multitude de perdants ne se retrouve sans ressource. Nous éviterions ainsi l’avènement d’un techno-féodalisme.
Contre la complexité du monde, il est temps de repenser nos priorités ! Une vision – des valeurs – une volonté. Sommes-nous capables de réinventer l’avenir ? L’opinion publique connaît une angoisse du futur qui paralyse notre modèle économique et elle ne se reconnaît plus dans l’Etat-Providence. La quête de l’enrichissement personnel prédomine au détriment de la solidarité et des politiques de long terme. La minorité qui conserve son emploi vit dans des conditions matérielles jamais connues mais voit ses conditions psychologiques se détériorer. Un stress grandissant l’envahit, les exigences de la hiérarchie sont de plus en plus importantes, et elles ne se sont pas améliorées depuis l’instauration des trente cinq heures.
Dans ce contexte, le rôle des syndicats est devenu délicat ; ils sont de moins en moins l’expression sociale des travailleurs. Ils doivent trouver d’autres modes de fonctionnement pour représenter les forces vives, et élargir leur zone d’action aux millions de personnes qui n’ont plus d’emploi. En validant, comme toutes les forces productives, l’automatisation et la « technologisation » de la société, les syndicats ne se sont pas rendus compte qu’ils coupaient la branche sur laquelle ils étaient assis. Ils ont préféré assurer la sécurité de l’emploi de ceux qui avaient encore un travail à une répartition du temps de travail. Ils ont été dupés. La hausse des salaires contre la hausse de la productivité. Les exclus peuvent remercier les syndicats de les avoir abandonnés. Avec une progression exponentielle de la productivité, et par conséquent une baisse des emplois, les syndicats perdent encore et toujours leurs membres et leur influence. A l’image du patronat, le syndicalisme risque de disparaître avec la fin du capitalisme. Les « extrêmes » ont toujours des intérêts communs.

La démocratie participative directe que nous souhaitons réduira considérablement l’influence des syndicats, si elle est appliquée dans toutes les entreprises. Enfin, le fait que de plus en plus d’actifs deviennent leur propre patron réduit encore la puissance qu’ils avaient acquis dans les luttes ouvrières du XIXème et XXème siècles.