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dimanche 7 juin 2015

Chapitre 7 suite et fin : Le climat, une priorité absolue face au commerce international

Le dérèglement climatique est une occasion unique de renverser la table pour proposer un nouvel équilibre entre les préoccupations commerciales et la nécessaire transition énergétique. Les citoyens n’ont pas réussi à se mobiliser pour sauver leurs emplois, ils pourront peut-être se l’autoriser pour protéger la calotte glaciaire. Tous les scientifiques qui travaillent sur la question climatique insistent sur la nécessité de ne pas dépasser une augmentation de 2°C de la température d’ici la fin du siècle. Objectif qu’il sera difficile d’atteindre si nous laissons l’économie diriger nos vies. Naomi Klein, dans son dernier livre « Tout peut changer », lie ce dérèglement climatique à l’affaiblissement de la sphère publique : « Ce travail de sape se mène au nom de l’austérité, qui a succédé à d’autres notions tout aussi abstraites et déconnectées de la vie quotidienne (équilibre budgétaire, amélioration de l’efficacité, stimulation de la croissance économique, etc.) pour justifier ces incessants appels au sacrifice collectif, qui servent tous le même objectif de croissance économique. » (p.29) Il est impossible de mettre en place des politiques correctrices en maintenant un « capitalisme dérèglementé ». Il suffit d’étudier tous les accords commerciaux internationaux de ces trente dernières années pour s’en rendre compte. L’augmentation des gaz à effet de serre, qui était de 1% dans les années 1990, est passé à 3,4% dans les années 2000. Il fallait toujours produire les biens à moindre coût pour nourrir la Bête, celle qui nous a donné tant de biens matériels pour nous convaincre que le bonheur était dans la consommation. Ce n’est plus un problème technique mais essentiellement le problème politique. Nos dirigeants sont-ils capables d’un côté de refuser aux lobbies la liberté de commercer et de l’autre aux citoyens de revoir leur mode de vie et leur employabilité ? Il leur faudra beaucoup de courage et d’abnégation pour forcer le passage. En sont-ils capables ? Nous le saurons en décembre avec la COP21 à Paris. Il nous faut rompre avec le fondamentalisme marchand et la vision matérialiste de la société de consommation. Surtout que nous ne devons pas oublier que certains groupes économiques voient dans la dégradation climatique des opportunités uniques de faire prospérer leurs affaires, et seront des lobbies très entreprenants pour promouvoir une transition énergétique soutenable sans casser le système. Il n’est pas rare d’entendre certains relais d’opinion expliquer l’intérêt de cette situation pour les pays développés et leur économie.  Dans le même temps le chantage à l’emploi continuera à faire pression sur les politiques quelles que soient les conséquences de survie pour des centaines de millions de personnes dans le monde. Ces grands trusts seront toujours là pour se dédouaner des grandes catastrophes climatiques par des actions humanitaires bienveillantes. Comment expliquer et être entendu par un retraité du Middle West aux Etats-Unis ou un agriculteur de la Beauce qu’une baisse de leur revenu est indispensable pour sauver la planète et que leur intérêt personnel est nuisible à l’intérêt collectif ? Les fonds de pension par la pression qu’ils mettent en terme de rentabilité capitalistique ou les aides agricoles de l’Union européenne sont devenus toxiques et ont un rapport direct avec l’augmentation des gaz à effet de serre.
Le commerce international et son tuteur l’OMC ont été et sont encore les acteurs majeurs de cette impossibilité à aménager une politique favorable au climat. Depuis un quart de siècle, la mondialisation a favorisé l’obstruction à des initiatives industrielles, commerciales et citoyennes en prétextant des entraves à la libre circulation. Ces fameux accords de libre échange ont permis un développement économique sans précédent en détruisant dans le même temps environnement et emploi dans un grand nombre de régions du monde. Nous en sommes arrivés à pourfendre l’économie locale en raison d’une discrimination commerciale qui n’était en fait qu’un obstacle aux bénéfices de quelques grands groupes industriels et financiers. Cette politique acceptée et protégée par les Etats détruisait l’emploi local et le climat sans que personne ne s’y oppose. C’est ainsi que les politiques énergétiques de substitution aux énergies fossiles sont encore très éloignées des objectifs fixés par les différentes Conférences sur le climat. Il existe toujours des distorsions entre les subventions versées aux entreprises pétrolifères et celles qui exploitent les EnR. D’après ces Conférences, les Etats sont responsables des GES (gaz à effet de serre) produits sur leur sol et non les GES qui découlent de produits qui leur sont destinés. Une parfaite supercherie qui leur a permis de se dédouaner à bon compte et présenter un bilan carbone acceptable vis-à-vis de leur population.
Nous ne pourrons pas instituer une économie durable sans changer les règles du commerce international. Une organisation mondiale est nécessaire, non pour favoriser le libre échangisme mais pour trouver un juste équilibre entre le commerce et l’environnement. Nos pays industrialisés peuvent toujours se féliciter de leurs efforts pour baisser nos indices en matière de GES si ceux-ci ne sont dus qu’à un transfert industriel dans des pays ateliers comme la Chine. Notre empreinte écologique est en réalité toujours aussi importante. Les discussions actuelles sur le fameux TAFTA sont essentielles pour l’avenir de notre planète, et le symbole de la lutte entre deux visions du monde : consumériste et capitaliste, citoyenne et durable.
Ces deux visions du monde qui s’affrontent et qui ne pourront pas à terme cohabiter. Nous ne pouvons plus tenter de satisfaire tout le monde, nous avons trop attendu. Pour que nos enfants, et ceux qui grandissent à l’autre bout de la Terre, puissent espérer vivre dans des conditions climatiques acceptables pour l’être humain nous allons devoir inventer très rapidement un nouvel ordre économique. Sans l’action des citoyens cette mutation sera bien trop complexe, et pour se faire il nous faudra résoudre de nombreuses contradictions entre notre maintien de notre mode de vie et notre capacité à engendrer beaucoup plus d’altruisme.


« La déstabilisation du climat est le prix à payer pour un capitalisme déréglementé et mondialisé, sa conséquence involontaire, mais inévitable. »
Andreas Malm (« China as chimney of the World »)

« Sans électricité, il n’y a pas de lumière, pas d’eau potable, pas d’éducation, pas de santé, pas de croissance. »
Jean-Louis Borloo

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